Mentionnée pour la première fois dans le testament de Joseph JEAN [1], la chapelle du château de La Castille existe dès 1719 mais la date de sa construction n’est pas encore établie. A l’époque, elle semble desservie par des Pères Capucins et Joseph JEAN envisage de s’y faire ensevelir.
A la mort de son fils et héritier Pierre JEAN en 1730, il est fait mention d’un autel, d’un calice, d’ornements liturgiques et surtout d’un « tableau sur l’autel représentant la naissance du Seigneur » [2]. Une quinzaine d’années plus tard, le 13 septembre 1747, le nouveau seigneur de La Castille, Jean-Louis de SELLE, fait célébrer la messe de mariage de sa fille Anne Madeleine avec Joseph Claude Guillaume Balthazard de FAUDRAN « en la chapelle domestique du château » [3]. On ne sait ce qu’il advint de cette chapelle jusqu’à la fin de l’Ancien Régime mais en 1802-3, elle était répertoriée par les Commissaires de l’Archevêque d’Aix chargés d’inventorier les reliques dans l’arrondissement de Toulon [4].
Pourtant, les premiers cadastres de 1811 et 1848 ne localisent pas cette chapelle : l’emplacement qu’elle occupera dans la seconde moitié du XIXe jusqu’à sa désacralisation autour de 2000, entre la tour-est du château et le porche de la cour, est désigné dans le parcellaire de l’époque comme « maison et grange ». Si l’on peut supposer, jusqu’à preuve du contraire, qu’elle était au même endroit au XVIIIe siècle, la chapelle ne fut peut-être plus utilisée en tant que telle jusqu’à son profond réaménagement par les AUBERT vers 1850 ?
Ainsi, en 1851, Charles François AUBERT fait-il notamment restaurer dans la chapelle la balustrade de la tribune et la porte de la table de communion [5]. En 1853, ce qui ne semble plus être qu’un oratoire reçoit à nouveau le titre de chapelle, et est béni le 17 juillet par l’Abbé Thomas, curé de Solliès-Ville. Celui-ci y célèbre immédiatement la messe avec un calice, un missel et des burettes apportés pour l’occasion [6]. En septembre, le châtelain commande pour le compte de « l’Abbé Court », soie et dentelle pour confectionner aube et mantelet. Ce prêtre, que l’on pourrait identifier comme le futur Chanoine Laurent-Paul Court (1811-1897), alors vicaire de Sainte-Marie de Toulon, desservait-il périodiquement la chapelle de La Castille ?
10 ans plus tard, avec l’autorisation de Monseigneur Jordany, le Curé-Doyen Thomas érige le chemin de croix de la chapelle en présence du Chanoine Boyer, Curé de Solliès-Pont, de l’Abbé Bouisson Curé de Solliès Farlède, de l’Abbé Guibat, des châtelains ainsi que d’Hilarion-Polycarpe Aiguier, maire de Solliès-Ville [7].
Vers 1867, Charles François AUBERT vieillissant demande au Préfet du Var l’autorisation de construire un caveau de famille dans sa chapelle où l’on célèbre la messe « depuis plus de 19 ans avec des privilèges accordés par Monseigneur Wicart et Monseigneur Jordany » [8]. Il s’y fera effectivement enterrer en 1875 comme son fils cadet Georges en 1893.
Frédéric AUBERT perpétua l’embellissement de la chapelle où reposait désormais son père. En 1881, celle-ci ne disposait pas encore d’un chapelain à demeure [9], probablement parce que les propriétaires ne résidaient pas à l’année. Mais le mariage de Frédéric avec Berthe Giraud de Villechaize et la naissance de leur fille Yvonne en 1886 semblent avoir marqué un tournant. En Juin 1887, c’est l’acquisition d’un calice tout argent doré [10]. En décembre 1888, suivent une grande console, deux statues de la Vierge Mère et du Sacré Coeur de 1,15 m polychromées, un chemin de croix roman [11], une croix d’autel et un vaste ensemble de luminaires assortis [12] ainsi qu’un tabernacle en pierre [13]. Le 20 décembre 1887, le chapelain ordinaire du château bénissait l’autel et le tabernacle de la chapelle en présence des propriétaires et d’ecclésiastiques invités. Le 10 mars suivant, le même desservant, l’Abbé Constant Moret, érigeait le nouveau chemin de croix avec l’autorisation de Monseigneur Oury, à condition que la chapelle possédât une ouverture sur la voie publique pour faciliter l’accès de fidèles extérieurs à la maison [14]. Dès lors, les autorisations de célébrer dans la chapelle semblent avoir été régulièrement demandées des évêques successifs et obtenues [15].
Galerie des stations du chemin de croix de la chapelle de la Castille, érigé en 1888 et redécouvert en 2022
Lorsque Madame AUBERT Mère, veuve de Charles François, s’éteignit à La Castille en 1906, le registre paroissial de Solliès-Ville ne mentionna pas son ensevelissement dans la chapelle familiale contrairement à son mari et son fils Georges. Les enfants de Frédéric et Berthe, Yvonne et Charles, morts respectivement à Lyon en 1901 et 1922 furent quant à eux enterrés dans le caveau des Giraud de Villechaize à Fourvière où les rejoignirent leurs parents en 1922 et 1942. Le caveau de la Castille n’aurait ainsi contenu que les corps de Charles Antoine et Georges AUBERT, déplacés dans le courant du XXe dans des circonstances non-encore éclaircies (cf. ci-dessous).
La cession du domaine à l’Eglise fit de cette chapelle familiale le témoin de la première rentrée du Grand Séminaire de la Castille le 16 octobre 1922 et des ordinations qui suivirent : le 30 décembre 1924, Monseigneur Guillibert y ordonnait encore un prêtre, un diacre et minoré du diocèse ainsi que sept religieux dominicains et un cistercien de Lérins [16]. L’effectif des Séminariste ayant rapidement progressé, une chapelle provisoire fut aménagée dans l’ancien salon du château, en attendant la construction de la grande chapelle en 1930. Le financement de celle-ci et de l’extension du Séminaire expliquent la profusion de photographies témoignant de l’état des lieux à l’époque.
On identifie bien sur cette carte postale des années 1930 la table de communion restaurée par Charles François AUBERT, les statues du Sacré-Coeur et de la Vierge à l’Enfant achetées par son fils Frédéric en 1888, ainsi que la grande console sur laquelle s’appuient l’autel et le tabernacle bénis la même année. La croix d’autel et nombre des luminaires ont probablement la même origine. Reste le grand tableau dominant l’autel que des courriers de la Fondation à la mairie de La Crau datant de 1996 nous ont permis récemment d’identifier. Il s’agit d’une grande Nativité estimée des XVIIe-XVIIIe siècle, propriété de la Fondation, mais mise en dépôt dans l’église paroissiale de La Crau suite à l’abaissement du plafond de la chapelle [17]. Si l’on ne peut reconnaître la peinture sur le cliché ci-dessus, le cadre est manifestement le même comme sont similaires les plis et défauts de la toile. Il parait évident que ce tableau n’est autre que celui mentionné dans l’inventaire après décès de Pierre JEAN, qui surplombait déjà l’autel de la chapelle du château en 1730.
La hauteur de plafond de la chapelle que supposent les dimensions de la Nativité est confirmée par un autre cliché prêté par la famille Lambert que nous remercions à cette occasion. Le tableau est dissimulé pour des raisons liturgiques mais on le devine couvrant la frise du plafond.
La disposition de la chapelle, si ce n’est originelle, du moins de la fin du XIXe aux travaux de la fin du XXe, est désormais assez lisible. Cet ensemble immobilier, coincé entre la tour du château avec laquelle il communique de l’intérieur, et le porche est très identifiable en se distinguant du reste des dépendances. Côté cour, les deux fenêtres du premier étage correspondaient au logement du chapelain qui pouvait accéder à la sacristie du rez-de-chaussée, signalée par la fenêtre à barreaux, par un escalier intérieur aujourd’hui disparu.
Côté cloître, on retrouve l’entrée donnant sur la voie publique jusqu’à la construction du nouveau Séminaire dans les années 1920. Seules les ouvertures de l’étage sont probablement anciennes, au moins les extrêmes, l’une à droite éclairant le choeur, l’autre à gauche la tribune, aujoud’hui disparue, qui permettait aux châtelains d’assister à la messe sans se mêler au public.
Les aménagements de la fin des années 1980 ont consisté essentiellement à prolonger la tribune par un plafond pour créer des chambres au-dessus du choeur ainsi abaissé. Transformée en oratoire, la chapelle historique fut finalement désacralisée dans les années 2000 pour devenir un lieu de détente pour les séminaristes. On y retrouve encore les angles brisés des anciennes corniches, la fenêtre de droite ayant été ajoutée pour l’éclairage suite à la création du plafond. A gauche, derrière le canapé de cuir vert mais n’apparaissant pas sur ce cliché, l’accès à l’ancienne sacristie a été conservé.
Restait à retrouver le caveau construit par Charles François AUBERT et qui ne figurait déjà plus sur les plans des années 1980 que nous avons pu retrouver. Ce fut notamment à cette fin que fut organisée la prospection radar du GEOPS en mai 2022. L’équipe dirigée par Albane Saintenoy n’eut guère de difficulté, avec son matériel de pointe, à localiser une cavité à gauche de l’ancien choeur, contre le mur de la sacristie et débordant sur l’entrée de celle-ci. Les instruments indiquaient ainsi une surface d’environ 1 m sur 2,5 m, et d’une profondeur d’1,5 m avec deux objets longilignes dans le sens de la longueur à environ 70 cm de profondeur [18].
Ces résultats furent vérifiés en octobre 2022 par le perçage de la dalle et le métrage de ladite cavité, effectués par une collaboration étroite des Archives diocésaines et du service technique de la Fondation.
Le caveau est bien là mais bien plus vaste que supposé et absolument vide. Il est probable que la présence de poutres métalliques sous la dalle de béton a faussé partiellement les radars du GEOPS. Les corps de Charles François AUBERT et de son fils Georges qui y reposaient depuis la fin du XIXe ont été déplacés dans des circonstances et en un lieu non encore déterminés.
Chapelains de La Castille
Monseigneur Jean-Baptiste Llosa, futur Curé-Archiprêtre de la Cathédrale de Toulon (1936-1938) et Evêque d’Ajaccio (1938-1966), fut celui qui établit le culte public dans la chapelle du château à l’arrivée du Séminaire [19]
[1] Archives Départementales du Var – 3E 9/225 f° 516r°-519v° – Me Honoré Barry, Méounes (30 nov. 1719)
[2] Archives Départementales des Bouches-du-Rhône – 2B 838 n° 40
[3] Archives Départementales du Var – Registre de Toulon Saint-Louis (34/51)
[5] Facture de Lucien Gibert, serrurier du 9 février 1851, Archives diocésaines de Fréjus-Toulon, 4F
[6] Facture de Claire Arnaud le 4 septembre 1853, Archives diocésaines de Fréjus-Toulon, 4F
[7] Autorisation d’érection par Monseigneur Jordany du 28 décembre 1862 et certificat d’érection du 3 avril 1863, Archives diocésaines de Fréjus-Toulon, 4F
[8] Archives diocésaines de Fréjus-Toulon, 4F
[9] Refus de binage en faveur de la chapelle, 29 décembre 1881
[10] Facture de Désir Frères, Manufacture de Bronzes et Orfèvrerie d’église, du 11 juin 1887, Archives diocésaines de Fréjus-Toulon, 4F
[11] Facture du 5 décembre 1888 de Frs Vve N. MASSONI – GONNET GENDRE SCUt. Atelier de sculpture – LYON Achat d’une grande console – 2 statues de la Vierge Mère et du Sacré Cœur 1m15 polychromées riche – un petit chemin de croix roman, le cadre ton pierre, filet or, les personnages en couleurs naturelles et le fond doré mosaïqué.
[12] Facture du 12 décembre 1888 Achat de 2 coronas 12 ??? – 6 chandeliers 127 0,60 lust. Vernies et la croix assortie, 6 ???1m – 1 paire de chandeliers 206 vernis – 1 paire bras 190 7 lum ..vis 0,50 – 2 paires bras 287 4 lum – 1 paire luminaires 246, 6 lum – 2 croissants 253 7 lum (Frs Ateliers spéciaux de statues religieuses et ornements d’église. Sculpteur Galard et sœurs – rue du Tapis vert – Marseille)
[13] Facture du 22 décembre 1888 Achat : 1 tabernacle pour la chapelle en pierre de la Vierge (Taille de pierres dures et tendres – Aubert HYERES)
[14] Autorisation de Monseigneur OURY du 08 décembre 1887 suite à une demande du 06 donnée par un courrier du vicaire général, Archives diocésaines de Fréjus-Toulon, 4F
[15] Autorisations de Monseigneur Arnaud des 21 décembre 1903, 25 janvier 1905 et 1er janvier 1906
[16] Semaine Religieuse 1924, n° 1, 5 janvier 1924, p. 3, 5
[17] Courriers du Docteur Jean Brissy, vice-président de la Fondation au maire de La Crau, des 1er août et 9 septembre 1996
[18] Albane Saintenoy, Rémi Lambert, Marion Candussi, Savéria Herrati, Rapport de la prospection géophysique sur le site de La Castille, 31 mai 2022, GEOPS – Université Paris Saclay – CNRS, p. 4
[19] Semaine Religieuse 1937, n° 30, 24 juillet, p. 453 ; Semaine Religieuse 1938, n° 39, 24 septembre, p. 588
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